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La société au 18e siècle

Les émeutes dans Guet-apens rue des Juifs :

" Lorsqu’il arriva dans le quartier de Basse-Seille, il fut frappé par le tumulte qui y régnait. On entendait des hurlements, des invectives, des menaces, et les femmes n’étaient pas en reste dans ces débordements. Des projectiles de toutes sortes volaient autant que les insultes. Augustin demanda à un soldat de la maréchaussée ce qui se passait, tandis qu’un de ses collègues tentait de séparer deux hommes qui en étaient venus aux mains.

- Vous savez ce genre de trouble commence toujours de la même façon, par une bêtise, dit le soldat. C’est un employé de chez Antoine, le maître cordonnier de la rue de la Saulnerie, qui a refusé il y a trois jours de faire ce que lui ordonnait son patron, et les deux autres employés se sont joins à lui. Là-dessus, de proche en proche, toute la rue a été contaminée par la rébellion. Vous voyez maintenant ce que ça donne ? Si ce n’est pas malheureux !

À l’instant même, un objet traversa l’espace au-dessus de leur tête et s’écrasa derrière eux : une vieille galoche

Dehors les cris redoublaient et ils entendirent des bris de verre.

  - Diable ! ça s’aggrave ! dit Bourguignon. Ils brisent des vitrines, sans doute.

  -  Comment tout cela va-t-il se terminer ?

  -  Comme d’habitude ! Les maîtres finiront par venir demander la libération de leurs employés emprisonnés, parce qu’ils doivent répondre aux commandes qui s’accumulent, et les employés seront soulagés parce qu’ils ont besoin, eux aussi, de travailler ; ils seront bien obligés de s’arranger entre eux. Vous savez, je n’ai jamais vu ici d’embrasement complet de la ville suite à une cabale de quartier.

 -  Puissiez-vous avoir raison, Bourguignon ! Mais parfois ces soulèvements durent des semaines ou même des mois avant de trouver un dénouement acceptable. J’ai l’impression que ces révoltes deviennent de plus en plus fréquentes. N’est-ce pas votre sentiment ?

 - Eh bien ma foi, peut-être bien. Et puis ces parlements qui en veulent au roi, tout cela indique que le pays va mal. Enfin, nous verrons…

 - En attendant, reprenons notre affaire !"

Les émeutes dans L'argent des farines :

"Le meunier en difficulté vit que les cavaliers ne regardaient pas dans sa direction ; il hurla :

- À l’aide !

Les deux soldats tournèrent la tête et se dirigèrent tranquillement vers lui, et alors ce fut le déclenchement de la foire d’empoigne. Les sacs du pauvre Chabot furent éventrés et les commères remplirent leurs tabliers. Le meunier, surpris par cette sauvagerie soudaine, s’était écarté et contemplait la scène, levant les bras en signe d’impuissance. Elles se battaient entre elles pour en avoir encore davantage. La farine volait en tous sens. On toussait à droite, on crachait à gauche. Il y en avait dans les cheveux des plus enragées qui, d’un coup, se retrouvaient blanchies avant l’âge. De proche en proche, tout le marché fut en effervescence. Une dizaine de femmes atteintes par la contagion de la rébellion se dirigèrent vers la boulangerie de la place. Certaines, munies de bâtons ramassés on ne sait où, enfoncèrent la porte, aidées par quelques hommes arrivés là par hasard. Ensemble, ils pénétrèrent dans la boutique. Les pains furent arrachés, emportés prestement, tandis que le malheureux boulanger, au nom prédestiné de Blanpain, se terrait au fond de son échoppe. On en profita pour saccager tout son mobilier qui fut jeté par les fenêtres. Un petit groupe d’hommes se dirigeait maintenant vers la rue du Vivier. Lorsqu’ils furent arrivés au croisement de la rue des Jardins, l’un d’entre eux s’écria :

- Au ghetto ! Sus aux accapareurs juifs ! Tous ces marchands de grains sont complices ! Ils gardent leurs marchandises pour faire monter les prix ! Au ghetto ! au ghetto !"

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