Anne Villemin-Sicherman
La table
Repas chez le prince de Salm à Senones, vers 1770, par Nicolas de Mirbeck
La salle à manger
La salle à manger n'apparaît en France qu'à la veille de la Révolution. Jusqu’alors on dressait des tréteaux sur lesquels on posait des planches de bois qu'on démontait ensuite. D'où l'expression dresser la table. On se recevait à souper à « table ouverte » ou à « souper prié », à une date fixée à l’avance.
Au XVIIIe siècle, les dîners peuvent se prendre jusqu’à trois heures de l'après-midi, et les soupers de sept heures à onze heures du soir. Les hommes sont toujours en habit brodé, contrairement aux femmes qui ne s’habillent que pour les soupers.
Recouverte d’une nappe de damas blanc ou de couleur, la table se pare tour à tour et selon les milieux, d’or, de vermeil, d’argent, d’étain, de faïence ou de poterie. La toute récente porcelaine de Sèvres rivalise avec le métal précieux.
Marie-Antoinette demande à ses invités d’accorder la teinte de leurs toilettes à celle de la nappe, en les priant à un « souper rose » ou à un « souper vert ». Elle souhaite même que glaces, fruits déguisés et sucreries soient du même ton.
Au centre de la table se placent candélabres, vases de fleurs ou groupes de figurines en porcelaine de Sèvres.
Dresser la table
Une certaine liberté apparaît dans la disposition du couvert : couteau, cuillère et fourchette soit à droite soit à gauche de l’assiette, rarement de part et d’autre de celle-ci, et placés de sorte que les armes de la famille soient visibles. Les couteaux se parent de manches de nacre ou de laque ou de porcelaine.
Les bouteilles et les verres en cristal de Bohème gravé ne paraissent pas sur les tables, mais reposent dans des rafraîchissoirs garnis de glace. Le service de la boisson revient au valet qui, debout derrière chaque convive, verse à boire à la demande. Aussitôt vidé, le verre reprend sa place sur une desserte, dans le rafraîchissoir. Ce même valet tient à la main une assiette et un couvert qu’il change aussi souvent que nécessaire.
Cependant, lors des repas de famille, les verres sont posés tout simplement sur les tables
La gastronomie
La gastronomie du XVIIIe siècle est raffinée. Quatre services se succédaient, comprenant chacun de nombreux plats posés en même temps sur la table dans des pièces d’orfèvrerie, de faïence ou de porcelaine. Sans oublier les beurriers, huiliers, saucières à deux becs, compotiers, petits pots à crème et autres coquetiers, ce qui n’est guère étonnant lorsque l’on connaît la passion de Louis XV pour les œufs à la coque.
Chacun se servait dans les plats proches de soi. On buvait du vin de Bourgogne et du vin de Bordeaux qui commençait à se faire connaître. A la fin du repas, on servait du café, depuis à la visite au Roi Soleil de l’ambassadeur de la Sublime Porte, Soliman Aga, à Versailles, en 1669.
Le dessert
Le service des desserts se faisait un peu plus tard, après avoir changé nappes et vaisselles, et tout le savoir-faire du pâtissier se déployait alors. Le dessert devenait un spectacle ! La meringue fait son apparition.
Le confiseur Travers invente de nouvelles décorations qui reposent sur du bois, du carton ou du fil de fer. recouvert de caramel sur lequel il dispose des coupes de fruits, des fleurs.
Le sucre, la farine, la gomme adragante et l'eau entrent également dans la composition des desserts pour confectionner des bouquets champêtres, des fontaines de sirops, des jardins, et des figurines.
Les desserts
dans
Le souper de Lafayette
Au palais du gouverneur :
" Après le troisième service, les convives furent invités à passer dans un salon voisin, pendant que dans la salle à manger on faisait les préparatifs destinés à recevoir les desserts. Les nappes et toute la vaisselle allaient être changées. L’aspect de la table devait donner l’impression d’un jardin à la française avec des figures en caramel, des parterres de fleurs, des sables de sucre de toutes les couleurs, accompagnés de vases, de guirlandes, d’arbres artificiels, de jets d’eau de liqueurs colorées de manière à faire de jolis contrastes de teintes entre les fruits et les fleurs ; on disposerait des fruits naturels, des ananas coupés et disposés en pyramides, des compotes, des confitures liquides et sèches, des sorbets, des biscuits et de petites pâtisseries, des meringues, des madeleines, des fromages frais, des crèmes fouettées, ainsi que des fromages à pâte cuite, ces derniers étant coupés en morceaux et présentés sur des assiettes.
Du salon où l’on patientait, s’ouvrait une vue magnifique sur le val de Metz. Les convives qui recherchaient un peu de fraîcheur se massaient auprès des fenêtres, et les éventails s’agitaient. "